• Intervention de Michelle DEMESSINE sur le Mécanisme Européen de Stabilité

     

    Le Parlement ratifie le Mécanisme européen de stabilitéDébat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012

     

    (Intervention générale au Sénat, séance du mardi 28 février)

     

    Michelle Demessine, sénatrice du Nord

     

    Notre débat de ce soir, préalablement au Conseil européen d’après-demain à Bruxelles, a quelque chose de surréaliste.

     

    En effet, à la suite de votre déclaration liminaire, monsieur le ministre, vous sollicitez l’analyse des différents groupes de notre assemblée, puis nous vous interrogerons sur quelques points particuliers.

     

    Mais cette sympathique discussion à cette heure tardive est vraiment un théâtre d’ombres.

     

    Les décisions ont déjà été prises avant, et ailleurs, et ce que nous vous disons n’aura qu’un effet limité, voire aucun effet du tout, sur la décision du Président de la République de signer le traité dit : de stabilité, de coordination et de gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.

     

    Car c’est bien de la signature de ce traité qu’il s’agira le 1er mars prochain. 25 des 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, l’adopteront solennellement, en marge de la réunion du Conseil, et c’est cet évènement qui fera date et qui sera le seul point que l’histoire retiendra de ce sommet.

     

    A nos yeux, le grand danger de ce traité que le chef de l’Etat signera au nom de la France, est d’être un nouvel instrument antidémocratique pour imposer, sous couvert de discipline budgétaire, la loi des marchés financiers aux Etats et aux peuples d’Europe.

     

    Ce traité, concocté entre la Chancelière et le Président de la République, aggrave encore les quelques dispositions sur la gouvernance économique et le semblant de solidarité européenne, contenues dans son prédécesseur de 2005. Le peuple français l’avait rejeté par référendum, le Chef de l’Etat le lui avait alors imposé par la voie parlementaire.

     

    Aujourd’hui nous refuserons le nouveau scénario qui s’annonce.

     

    C’est dès maintenant que nous dénonçons le danger d’une signature du Chef de l’Etat. Nous refusons ce traité car il est profondément antidémocratique et contraire à l’intérêt national puisqu’il s’agit de limiter la souveraineté budgétaire des Etats et de leur dicter leurs politiques économique et sociale.

     

    De surcroît c’est de lui que procèdent tous les plans d’austérité qui sont imposés aux pays en difficulté en échange de financements pour tenter de payer leurs dettes.

     

    Cette filiation montre également le lien incontestable et indéfectible qui existe entre les deux projets de loi autorisant la création du Mécanisme européen de stabilité, contre lesquels notre groupe a voté cet après-midi, et le traité que va signer le Président de la République.

     

    En effet, la possibilité pour un Etat membre de l’Union européenne de participer à ce Mécanisme, à ce Fonds de soutien, est conditionnée à l’approbation de ce traité. Ce n’est qu’à cette condition, en effet, que pourra être activé, à partir du 1er juillet, ce fonds monétaire européen dont la mission est d’imposer l’austérité aux peuples dont les Etats n’arrivent pas à financer leurs dettes sur les marchés.

     

    C’est la carotte pour accepter les coups de bâtons !

     

    L’intérêt du débat de ce soir pourrait être ainsi d’éclairer les enjeux et de montrer toutes les conséquences négatives pour notre pays, pour notre peuple, mais aussi pour l’Europe, d’une signature du chef de l’Etat.

     

    Fruit de deux mois de laborieux compromis avec l’Allemagne, ce traité vise à instaurer une forme autoritaire de gouvernement économique de la zone euro en prétendant la protéger contre les attaques spéculatives des marchés financiers, et faciliter les prises de décisions rapides qui ont tant fait défaut ces dernier mois.

     

    De nouvelles règles communes, des budgets favorisant le développement économique et social des Etats membre, des solidarités concrètes entre les pays face à la puissance déstabilisatrice des marchés, voila ce dont aurait besoin l’Europe !

     

    Mais ce qui sera avalisé par Nicolas Sarkozy à Bruxelles n’est qu’une fausse solidarité qui enfoncera un peu plus encore les pays dans leurs difficultés.

     

    Car ce traité, bien qu’il prétende lutter contre les marchés financiers pour protéger la zone euro de leurs attaques, ne s’en donne, en réalité, pas les moyens. Et ceci tout simplement parce que les gouvernements des pays membres n’en ont pas la volonté politique.

     

    Tout au contraire. Les dispositions prévues, que ce soit l’instauration de la « règle d’or », ou plutôt de la « règle d’airain » interdisant tout déficit budgétaire, ou bien les sanctions automatiques contre les Etats contrevenants, toutes ces mesures vont précisément dans le sens de la logique de l’austérité économique et sociale réclamée par les marchés.

     

    Et pourtant l’expérience de ces derniers mois a démontré combien la mise en œuvre de ces politiques d’austérité était totalement inefficace pour résoudre la crise qui secoue l’euro.

     

    Mais prenons garde, car si cette crise n’était pas jugulée, elle détruirait les économies européennes les unes après les autres. C’est pour cela qu’il faut changer de méthode. Si notre groupe est si vivement hostile à cette signature, c’est que nous considérons que la méthode et les politiques publiques qu’il inspire, sont mauvaises et dangereuses pour les économies et les peuples. Elles vont même à l’encontre des objectifs affichés.

     

    Car ce sont justement ces politiques qui alimentent la crise.

     

    Ce sont ces politiques d’austérité qui, en comprimant la demande, font reculer l’activité, ce qui à son tour réduit les rentrées fiscales et creuse encore plus vite les déficits. Partout où elles ont été mises en œuvre, les résultats parlent d’eux-mêmes. Ces pays se sont enfoncés dans la récession, ils ont subi un appauvrissement sans précédent, ils sont accablés par le chômage et atteints dans leur dignité même.

     

    Tout cela s’accompagnant d’un démantèlement systématique des services publics des systèmes sociaux, du droit du travail qui provoque la colère des peuples et prépare dans certain pays un véritable séisme social.

     

    Où est la solidarité pour aider les pays menacés par les attaques des marchés financiers, quand par exemple depuis le début de la crise, le produit intérieur brut de la Grèce a baissé de près de 20%, et que les salaires et les retraites en baisse seront bientôt au même niveau qu’en Roumanie ? Est-ce là le résultat d’une vraie solidarité européenne envers les victimes des marchés financiers ?

     

    Les prévisions de la Commission européenne présentées jeudi dernier sont d’ailleurs l’éclatante illustration de ce que ce mécanisme dit de soutien ne préconise qu’une austérité asphyxiant l’économie réelle et empêchant la croissance.

     

    La Commission a tout simplement annoncé la récession dans la zone euro, avec un recul du PIB de 0,3%, et une quasi absence de croissance dans l’Union européenne. Huit des dix-sept Etats de la zone euro, la Grèce en tête, mais aussi le Portugal, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique seront en récession.

     

    La France et l’Allemagne, quant à elles, comme l’ensemble des 27, n’auront qu’une croissance infime de 0,4 à 0,6%.

     

    Avec le Mécanisme européen de stabilité dont le Sénat, à l’exception de notre groupe, a accepté la mise en place, ce sera l’aggravation de ces politiques, car il se fonde sur la même logique que son prédécesseur, le Fonds européen de stabilité.

     

    La seule différence, maintenant, est qu’il est pérenne et que les décisions seront plus rapides à prendre pour mieux les imposer aux Etats.

     

    On peut d’ailleurs d’ores et déjà douter de son avenir, car Standard’s and Poors vient de le placer sous perspective négative, et l’Allemagne a annoncé qu’elle ne céderait pas face à ceux qui demandent déjà le renforcement le renforcement de ce soi-disant pare-feu européen.

     

    Le dispositif lié à l’adoption du traité va au-delà de tout ce qu’on a connu jusqu’à présent au niveau européen en matière d’abandon de souveraineté, d’opacité et de recul démocratique.

     

    Il implique une perte évidente de souveraineté budgétaire, puisque c’est le regroupement des gouverneurs de ce fonds qui décidera du dépassement de son plafond sans l’avis des Parlements nationaux.

     

    Sous la direction du condominium franco-allemand, une mécanique implacable de contrôle et de corsetage des finances publiques nationales se met en place.

     

    Mesurez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, que pour la fameuse troïka que sont, la Commission, la Banque centrale européenne, et le FMI invité à participer à l’affaiblissement des économies européennes, ce qui se passe en Grèce est une expérience grandeur nature pour démanteler les droits démocratiques et sociaux partout en Europe.La Grèce est leur laboratoire.

     

    Et ce sont ces politiques, formalisées dans un traité, que le chef de l’Etat et votre gouvernement accepterait de faire inscrire dans le marbre des législations nationales !

     

    Cette discipline budgétaire aveugle, sous prétexte de davantage maîtriser leurs finances publiques, contraint les Etats à voter des budgets équilibrés en limitant leur déficit structurel à 0,5% de leur PIB.

     

    Réclamée par l’Allemagne, cette règle est impitoyable avec ceux qui l’enfreindraient puisqu’elle prévoit des amendes allant jusqu’à 0,1% du PIB et des sanctions quasi automatiques pour les pays affichant un déficit supérieur à 3% du PIB.

     

    Cette règle d’airain, plutôt que d’or, pourrait sembler aux naïfs être une saine gestion des affaires publiques.

     

    Il n’en est rien, car ses conséquences sont contraires à nos principes démocratiques. Son principal danger est de limiter la souveraineté parlementaire sur le budget en nous obligeant notamment à soumettre préalablement à Bruxelles les projets de lois de finances.

     

    Il place ainsi les budgets nationaux sous la tutelle des institutions européennes, mais aussi, indirectement, du Fonds monétaire international.

     

    Ce serait ainsi, pour un gouvernement, accepter d’avance de renoncer à la liberté de décider de la politique qu’il veut appliquer, à la liberté de mener une politique de transformation sociale.

     

    Et il est prévu que cela se fasse en vertu de dispositions contraignantes et permanentes venues d’ailleurs et qui s’imposeraient à nos lois de finances.

     

    Dans ces conditions, que devient l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’un des fondements de notre Constitution, qui nous dit, je le cite, que « les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » ?

     

    Qu’en est-il aussi de l’article 39 de notre Constitution, qui dispose que « les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale » ?

     

    Soumettre ainsi nos budgets à une institution supranationale composée de technocrates non élus est clairement incompatible avec nos principes constitutionnels. Je le répète avec force, les fondements même de ce traité heurtent fondamentalement les principes démocratiques énoncés dans notre Constitution.

     

    De ce point de vue, à la veille d’échéances électorales qui peuvent changer l’avenir de notre pays, il n’est pas souhaitable que le Président de la République sortant décide, seul, aujourd’hui, de les mettre en cause lors de ce prochain Conseil européen.

     

    Lorsqu’il faudra, dans quelque temps, ratifier ce traité, qui comprends tant de mesures néfastes pour l’intérêt national et celui des peuples d’Europe, il faudra donc consulter notre peuple pour qu’il s’exprime en toute connaissance de cause.

     

    Nos institutions le permettent, c’est la voie du référendum que le Président de la République, quel qu’il soit, devra choisir !

     

    Telles sont monsieur le ministre, les appréciations dont le groupe communiste, républicain et citoyen souhaitait vous faire part à la veille de ce Conseil.


     

    L'hémicycle de l'Assemblée nationale.

    L'hémicycle de l'Assemblée nationale. AFP/JOEL SAGET

    Le Parlement français a donné mardi 28 février son feu vert au Mécanisme européen de stabilité (MES), structure commune permanente pour financer les pays en difficulté de la zone euro. Le vote s'est tenu dans un climat de polémique politique, attisé par la campagne électorale.

    Après l'Assemblée nationale le 21 février, le Sénat a approuvé mardi les deux traités qui vont remplacer à terme l'actuel Fonds européen de solidarité par le MES. Le premier texte, qui modifie un article du traité de l'Union européenne, autorise la création d'un tel mécanisme, tandis que le second traité fixe ses modalités de fonctionnement.

    ABSTENTION SOCIALISTE

    Ces deux traités sont juridiquement distincts du pacte de stabilité budgétaire conclu entre 25 pays de l'UE, qui doit être officiellement signé le 1er mars et que le candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande, veut renégocier. Mais un lien fort existe entre les deux car les prêts du MES ne pourront être accordés qu'à des pays membres du pacte. Ce lien a justifié l'abstention socialiste. La gauche s'est toutefois divisée, les communistes du Front de gauche votant contre. Cette abstention a été qualifiée de "faute historique" par le premier ministre François Fillon.

    Ce vote intervient alors que le sommet de la zone euro prévu le 2 mars à la fin du sommet européen des 27 a été annulé en raison des réticences de l'Allemagne à discuter des moyens alloués au MES, ce pare-feu contre les crises des dettes.

    http://www.lemonde.fr


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  • Par Yves Dimicoli, responsable du secteur financier et économique ( PCF )

     À crise systémique réponses systémiques, Les tentatives de réponses capitalistes aux défis des révolutions informationnelle, écologique, démographique et monétaire préparent le risque d'un nouvel éclatement du surendettement et de la suraccumulation beaucoup plus grave encore qu'en 2008.

     

    Depuis le grand tournant de 2008-2009, les États interviennent massivement et leurs dirigeants mettent en avant des projets de transformation qui peuvent apparaître d'ampleur. Cela reste toutefois très limité car on vise, par- dessus tout, à respecter les intérêts établis, à répondre aux exigences de rentabilité financière des capitaux dominants et aux injonctions des marchés financiers, d'où une exacerbation des antagonismes. Déjà, en zone euro, les essais successifs de règlement de la « crise des dettes souveraines » brisent la demande, font rechuter la croissance et repartir, sans cesse, la spéculation.

    Elles rationnent les dépenses, redoublent dans l'endettement sur les marchés financiers et le refinancement bon marché des banques sans changement des critères du crédit.

    Elles alignent l'Europe derrière les exigences allemandes en sanctuarisant le pouvoir de création monétaire de la BCE au service de la finance.

    Mais, au delà, grandissent les risques d'effondrement des bons du trésor des États-Unis et du dollar et, dans leur sillage, d'une remontée des taux d'intérêt à long terme. Cela précipiterait d'autant plus l'économie planétaire dans la dépression qu'éclateraient aussi les surinvestissements dans l'industrie, dans les pays émergents notamment. Dépasser les marchés du capitalisme mondialisé

     

    C'est dire le besoin de commencer à rompre pour un nouveau type de croissance et de développement.

     

    Pour sortir de la crise systémique, il faut des réponses de portée systémique tendant à maîtriser et commencer à dépasser tous les marchés du capitalisme mondialisé, au lieu de chercher à les « réguler » ou « moraliser ».

     

    Il s'agit, d'abord, du marché du travail avec l'avancée vers un système de sécurité d'emploi ou de formation par des mesures progressives contre la « flexisécurité »: reclassement choisi des salariés licenciés, nouveaux contrats de travail sécurisés, gros progrès de l'indemnisation et du retour à l'emploi des chômeurs, généralisation des mises en formation avec conservation du salaire, affiliation de chacun-e à un service public d'emploi et de formation dès la fin de la scolarité, conférences nationales et régionales pour des objectifs chiffrés annuels d'emploi et de formation avec les moyens nécessaires pour les réaliser... Ce système, une fois achevé, assurerait à chacun-e soit un emploi de qualité, soit une formation correctement rémunérée afin de pouvoir accéder à un meilleur emploi choisi, avec une continuité ascensionnelle des droits et revenus.

    Cette rotation entre emploi et formation, tout le long de la vie active de chacun-e, permettrait de métamorphoser le travail, de réduire son temps et son rapport au temps « hors travail », de progresser vers l'éradication du chômage et un dépassement du salariat lui-même.

     

    Avec un grand élan novateur des principes de mutualisation de la protection sociale et un essor considérable des services publics, tous les temps de la vie de chacun-e pourraient être sécurisés.

     

    Maîtriser les marchés monétaires et financiers

    Cela concerne deux grands enjeux.

    Le premier consiste à promouvoir un nouveau crédit bancaire pour les investissements matériels et de recherche. Il serait sélectif, avec des taux d'intérêt d'autant plus abaissés, jusqu'à être nuls, voire négatifs, que seront créés de bons emplois et de bonnes formations. Au plan institutionnel, cela va de la création de Fonds publics régionaux de prise en charge de tout ou partie des intérêts du crédit, à la constitution, au niveau national, d'un pôle financier public à partir des organismes publics (CDC, la Banque postale, Oséo...) et avec des banques nationalisées. Cela concerne, aussi, le niveau européen, avec un refinancement des banques ordinaires par la BCE modulé pour encourager le développement du nouveau crédit. Au-delà, il y a la visée d'une monnaie commune mondiale, alternative au dollar, à partir des droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international qu'il faut transformer radicalement, de concert avec la Banque mondiale.

    Le second enjeu concerne la prise systématique de dettes publiques par la création monétaire de la BCE et par le FMI transformé.

     Il s'agit non seulement de casser les reins à la spéculation sur ces dettes et d'organiser des re-négociations, mais aussi de financer une grande expansion des services publics nationaux et de leurs coopérations via un « Fonds social, solidaire et écologique de développement européen » démocratique, au lieu du pacte de stabilité. Maîtriser les productions

    Troisième marché à maîtriser, celui des productions. Il s'agit d’inventer de nouveaux critères de gestion d'efficacité sociale des entreprises pour que reculent les gâchis de capitaux, progressent toutes les capacités humaines, avancent d'autres modes de production et de consommation.

     

    Cela appelle des droits nouveaux des travailleurs et de leurs organisations pour faire prévaloir des propositions aptes à sécuriser l'emploi, la formation, les salaires, l'environnement, en sollicitant les institutions de crédit, en cherchant, face aux problèmes de compétitivité, à faire baisser les coûts du capital (intérêts et dividendes) et non les « coûts du travail ».Il s'agit aussi d'accroître les participations publiques dans les entreprises et de promouvoir de nouvelles entreprises publiques et socialisées visant, avec une planification stratégique, une cohérence nouvelle des filières industrielles et de services.

     

    Enfin, il faut maîtriser le marché mondial avec le remplacement de l'OMC par une institution organisant les coopérations nécessaires à la maîtrise du commerce mondial, au recul des dissymétries qui encouragent délocalisations et dumping social, pour un co-développement.

    Cela exige aussi de promouvoir des services et biens communs publics mondiaux comme l'environnement, l'eau, l'alimentation, l'énergie, les transports, la culture, la monnaie... toutes choses qui, en articulation avec l'avancée de nouvelles valeurs et une convergence des luttes contre toutes les dominations, feraient cheminer vers une autre civilisation.

     

     *Yves Dimicoli est responsable du secteur Économie, Finances du PCF.


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  • Et on voudrait nous imposer la règle d'or ?


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  • Remplacer la cotisation sociale par l'impôt ?
    La TVA sociale : une régression à combattre

    par Bertrand Bony 16 janvier 2012  

    Remplacer la cotisation sociale par l'impôt ?Ainsi voilà remise au goût du jour la proposition de TVA dite sociale, désormais promue au rang de taxe anti-délocalisations pour faire plus protecteur (car, savez-vous, le président de la république se doit de protéger les français) tout en essayant de ne pas faire protectionniste mais en le suggérant !

    Ainsi sont de nouveau mises en avant les vertus de ce quasi miracle qui permettrait de manière indolore et d'un seul mouvement, de baisser le coût du travail (ardente obligation si l'on veut des emplois, n'est-ce pas ?), de lutter contre ces étrangers qui détruisent notre modèle social en produisant à bas coûts, et simultanément, de renforcer notre compétitivité, c'est à dire de leur faire à eux ce qu'on leur reproche de nous faire à nous (juste revanche non ?).

    Passons sur le caractère électoraliste et opportuniste du projet visant à ratisser large, du côté de l'extrême droite grâce au côté revanchard et xénophobe de sa présentation, et du côté de la gauche de gouvernement en invoquant la sauvegarde de l'emploi .

    Mais là n'est pas l'essentiel. Ce projet s'inscrit dans celui plus large de la fiscalisation et de la privatisation de la protection sociale et est avant tout un projet idéologique qu'il faut combattre en tant que tel et sur ce terrain et non sur le terrain technique de la recherche d'une hypothétique martingale permettant de gagner sur tous les tableaux. Car il y aura bien des gagnants et des perdants.

    Rappelons cependant, mais sans nous y attarder trop, les mécanismes et les conséquences de la mise en place d'une telle TVA dite sociale. Les mécanismes prétendus s'apparentent à la fable suivante. Il s'agirait de remplacer une partie des cotisations sociales (au moins de celles dites patronales) par une hausse de TVA dont le taux serait ajusté de manière à rapporter la même somme pour garantir notre modèle social. La baisse de cotisations (présentées comme une taxe sur le travail qui pénalise nos entreprises) serait répercutée par les entreprises, car elles sont socialement responsables sous forme de baisse du prix hors-taxe de leurs produits, ce qui neutraliserait l'effet de la hausse du taux de la TVA pour les consommateurs. Par contre les produits importés deviendraient plus chers ce qui conduirait les consommateurs à se reporter sur les productions domestiques, favorisant ainsi l'économie française. Bref, que du bonheur !

    Ce bel édifice souffre malheureusement de quelques faiblesses !

    D'abord l'expression taxer les importations, plutôt que le travail entretient la confusion habituelle entre l'assiette et le financement. Même monsieur Alain Madelin rappelait récemment[1] l'adage qui veut que si on met un impôt sur les vaches, ce ne sont pas les vaches qui vont le payer ! Ce sont bien les consommateurs qui paieront l'impôt, et sur toutes les consommations et non sur les seuls produits importés, car il s'agit d'une TVA et non d'une (vraie) taxe sur les importations.

    Ensuite, que l'on nous permette d'avoir des doutes sur le fait que les entreprises joueraient le jeu en baissant leurs prix hors-taxe. Les expériences récentes (baisse de TVA sur la restauration, TVA sociale en Allemagne par exemple) ont déjà montré les limites de la responsabilité sociale des entreprises sommées par ailleurs d'envoyer des signaux positifs aux marchés.

    Enfin, on ne peut que rester dubitatif quant à l'effet dissuasif vis à vis des importations, d'une hausse de l'ordre de 2% face à des pays exportateurs aux salaires 10 à 20 fois plus faibles qu'ici et produisant des biens que de toutes façons nous ne fabriquons plus. Sans parler des mesures de rétorsion qui ne manqueront pas d'être prises par nos partenaires à l'exportation, particulièrement européens (la France n'est-elle d'ailleurs pas dans la rétorsion vis à vis de l'Allemagne qui a mis en place le TVA sociale en 2006 ?).

    Ces rappels étant faits, venons-en au cœur du problème.

    Tout prélèvement, quelle que soit son assiette (c'est à dire la base sur laquelle on en calcule le montant), et quelle que soit sa destination (salaire net, protection sociale, investissement, dividende) est un prélèvement sur la valeur ajoutée. La question n'est donc pas sur quoi prélève-t-on ?. Car celle-ci admet toujours la même réponse : sur la valeur ajoutée. La vraie question, celle que la précédente sert à masquer, est celle qui met au jour le conflit capital-travail : au nom de quoi prélève-t-on ?.

    Or le partage primaire de la valeur ajoutée se fait entre salaire et profit (ou excédent brut d'exploitation), entre ce qui est distribué au nom du travail (le salaire) et au nom de la propriété lucrative (le profit). Toute la question est donc : en quoi la mise en place de la TVA dite sociale (ou de la CSG, autre modalité envisagée pour substituer l'impôt au salaire dans le financement de la protection sociale) va-t-elle changer dans le rapport de forces entre capital et travail ?

    La cotisation sociale (qu'elle soit dite salariale ou patronale) est une partie du salaire et est payée par les employeurs à l'occasion des emplois. Elle vient en déduction de l'excédent brut d'exploitation (ou profit) de l'entreprise. Le financement de la protection sociale par la cotisation est, comme le salaire net, antagonique du profit.

    La création de la TVA sociale diminue les salaires (baisse des cotisations) et augmente donc les profits. Ce qui reste du salaire devra payer ladite TVA sur toute consommation. Dans l'immense majorité des cas[2], le salaire étant affecté essentiellement à la consommation et non à l'épargne, cette hausse de TVA va s'appliquer sur la quasi totalité du salaire.A contrario le gain obtenu par le profit ne subira la taxe que pour la part faible affectée à la (sur)consommation des ménages aisés (les quelques pour-cent (moins de 5%) qui détiennent à eux seuls plus de 30 % du patrimoine des ménages[3]).

    Conséquence, un déplacement des revenus primaires en faveur du profit de x% (par exemple 30 Mds€ sur un PIB de 2000 Mds€ soit 1.5 point de PIB), qui serait compensé vis à vis de la protection sociale par un prélèvement secondaire de x-ε d'impôt prélevé sur les salaires nets et de ε seulement sur les profits.

    Les gains de compétitivité (prix) escomptés grâce à la baisse du coût du travail n'auront lieu au mieux que par la baisse des prix à l'export (c'est à dire sur une fraction très minoritaire de la production[4]) et non sur le marché intérieur.

    Ainsi le gain n'est pas tant de nature concurrentielle, il est dans ce déplacement du rapport de force en faveur du droit de propriété lucrative et au détriment du droit de salaire, et ce gain politique et idéologique est considérable. Ce transfert de quelque 30 Mds€ (somme récemment évoquée depuis le début de l'année) vers les profits matérialise surtout une conquête idéologique : il faudrait faire financer la protection sociale par l'impôt et la solidarité nationale, en commençant par exemple par les allocations familiales qui nous dit-on n'ont rien à voir avec le travail.

    Or la monnaie à toujours à voir avec le travail, car toute valeur économique a pour origine un travail, que ce soit le salaire, la cotisation, ou le profit ! La cotisation, ponction directe sur la valeur ajoutée c'est à dire sur le produit du travail, au nom du salaire puisqu'elle est à la fois calculée et distribuée comme le salaire, s'affirme et doit s'affirmer comme concurrente au profit.

    S'opposer sur le terrain oû se situe l'enjeu ou perdre la partie ?

    Que nous propose la réforme ? Elle nous propose d'accepter de n'être que des consommateurs, c'est à dire des êtres de besoins devant se contenter d'avoir du pouvoir d'achat. D'accepter que le salaire ne soit que le prix de notre force de travail destiné à permettre de renouveler celle-ci en satisfaisant nos besoins. Force de travail que nous acceptons de nous condamner à vendre sur le marché du travail faisant de l'emploi l'institution de la tyrannie des employeurs (c'est à dire des actionnaires au nom du droit de propriété lucrative), seuls habilités à décider des fins et moyens du travail, nous ravalant au rang de mineurs sociaux totalement disqualifiés à décider de la valeur économique.

    Faute de dépasser cette représentation sans cesse ressassée par les réformateurs et à laquelle nous sommes si facilement enclins à croire, nous ne pouvons aller qu'à l'échec car nous ne nous placerions que dans une perspective de simple minimisation des dégâts face à une fatalité acceptée.

    Or nous pouvons sortir de ce schéma mortifère. Nous devons affirmer avec force que le salaire n'est ni le prix de ma force de travail, ni le prix de mon travail, ni la rémunération de ma productivité. Simple force de travail, c'est ce que nous sommes menacés de redevenir si nous laissons faire les réformateurs. Car la construction conflictuelle des institutions du salariat au cours du 20ème siècle n'a pas produit que des dispositifs permettant de limiter l'exploitation des producteurs. Elle a produit aussi, pour autant que nous sachions les voir et nous en servir comme telles, des institutions émancipatrices du capitalisme.

    Ainsi contre les représentations courantes ci-dessus, la cotisation sociale et la qualification nous offrent la possibilité de nous affranchir des employeurs et des propriétaires. La qualification d'abord, si nous reconnaissons que ce qui est payé par le salaire est la qualification, celle du grade, attribué à la personne dans le cas des fonctionnaires selon une grille nationale) ou celle du poste dans le cas de l'emploi privé, selon une grille sectorielle définie par convention collective. Le salaire est ainsi la rémunération d'une qualification attribuée par des institutions collectives ce qui l'éloigne de la référence au contenu individuel du travail. La cotisation sociale ensuite qui, part socialisée du salaire, permet de dissocier de l'emploi le droit aux prestations sociales et de financer des engagements massifs (plusieurs centaines de milliards d'euros par an) et de long terme (plusieurs dizaines d'années dans le cas des retraites) sans accumulation financière c'est à dire en se passant des investisseurs.

    Nous pouvons nous affirmer comme des majeurs sociaux, aptes, c'est à dire qualifiés, à décider de la valeur économique et des fins et moyens du travail car nous pouvons élargir les possibilités ouvertes par la qualification et la cotisation. En généralisant, sur le modèle du grade des fonctionnaires, l'attribution d'une qualification personnelle (irrévocable et ne pouvant que progresser) et d'un salaire à vie à toute personne dès sa majorité, nous pouvons nous passer du marché du travail. Sur le modèle de la cotisation sociale aujourd'hui seulement utilisée dans le cadre de la protection sociale, nous pouvons créer deux nouvelles cotisations : une cotisation salaire d'abord, versée par les entreprises en lieu et place des salaires nets à une caisse de salaire permettant de déconnecter le droit au salaire des salariés des aléas de fonctionnement de leur entreprise, une cotisation économique ensuite versée à une caisse d'investissement chargée de financer sans intérêts et sans remboursement les investissements selon des critère délibérés démocratiquement.

    C'est en nous plaçant au cœur de l'affrontement idéologique et en nous appuyant sur le déjà-là de la cotisation sociale et de la qualification que nous pourrons lutter contre la formidable régression promue par les réformateurs. Non il ne faut pas faire cotiser le capitalaugmenter le pouvoir d'achat, il faut socialiser 100% du PIB, en commençant par augmenter les cotisations patronales bloquées, voire réduites progressivement depuis 30 ans. Et nous pouvons le faire car nous socialisons déjà avec succès et depuis des décennies un tiers du PIB.

    Contre l'idéologie promue par les propriétaires selon laquelle seul le travaille valorisable économiquement est celui mené dans l'emploi, c'est à dire dans la soumission à la loi de la valeur-travail et la renonciation à toute prétention à décider de la valeur économique et de la fin et des moyens du travail, la cotisation sociale affirme au contraire que l'emploi n'est pas le seul lieu de création de valeur économique. Elle montre massivement et depuis des décennies que nous pouvons reconnaître comme créatrices de valeur économique des activités très éloignées de l'emploi et leur affecter à ce titre plus de trois cents milliards d'euros par an, de surcroît sans aucune accumulation financière, c'est à dire en se passant des investisseurs. Oui nous pouvons sortir du chantage à l'emploi et à la dette en instaurant un nouveau droit politique, le droit à la qualification personnelle et au salaire à vie et en décidant et finançant l'investissement par cotisation sans recours aux marchés.

    [1] Les échos 04/01/2012, mais là s'arrête notre accord avec lui puisque s'il est contre la TVA sociale, c'est parce qu'il la trouve bien trop timorée et préconise une baisse des prestations sociales et une fiscalisation beaucoup plus massive de ce qu'il en resterait !

    [2] Rappelons que 95% des salaires nets dans les entreprises privées et semi publiques en 2009 sont inférieurs à 4200 euros mensuels (Insee Première n°384, décembre 2011), soit 3.2 fois le SMIC

    [3] Pour la distribution des patrimoines voir Insee Première n°380, novembre 2011. Ajoutons que les profits non distribués qui restent dans les comptes des entreprises ne sont pas impactés, celles-ci récupérant la TVA sur leurs achats.

    [4] Les exportations 2010 sont évaluées à 388 Mds€ (Source : direction générale des Douanes et Droits indirects, publiées par l'Insee). Mais cette estimation est en prix de vente, si on estime la valeur ajoutée correspondante à 50% 50%, cela fait que les exportations ne représentent que de l'ordre de 10% du PIB.


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  • Depuis plusiers mois, plusiers semaines, c'est une véritable offensive qui se mêne sur le thème du "coût du travail". Au nom de la compétitivité des entreprises,  la perte du AAA vient  accélerer cette offensive dont l'objectif au final est assez simple:  tranférer des poches des ménages a celles des actionnaires 50 à 80 milliards d'euros. Pour décrypter le débat sur compétivité et coût du travail vous trouverez ci-dessous une note très argumentée de Jean paul Duparc.

     

    Compétitivité et coût du travail

    Dans ces derniers mois, et plus encore depuis la perte du AAA, Sarkozy, Fillon, Parisot, se relaient en boucle pour assener qu’il faut prendre des mesures courageuses pour « baisser le coût du travail », présenté comme l’obstacle à l’emploi, à la compétitivité et le facteur essentiel des délocalisations. C’est ce coût qui serait le facteur premier du déclin industriel du pays.

    Droite et patronat reprennent ainsi le discours des agences de notation, exigeant des « mesures structurelles » et qui sont bien obligées d’admettre les effets pervers et récessifs de l’accumulation des restrictions budgétaires !

    Le coût du travail par rapport à qui ?

    La concurrence libre et non faussée comme la libre circulation des produits et des capitaux, ainsi que l’orientation européenne qui encourage les dumpings fiscaux et sociaux en son sein, obligent à se poser la question. Car nulle baisse des charges ne permettra de rattraper les salaires des pays émergeants, ni non plus les salaires des pays d’Europe orientale. Ce n’est d’ailleurs pas souhaitable. C’est une impasse totale et évidemment ce serait une catastrophe sociale et économique ( Que la directive Bolkestein avait tenté d’importer en ouvrant la voie à ce que des salaires des pays d’origine soient pratiqués en France !)

    La seule comparaison raisonnable est de comparer les salaires dans l’industrie en France et en Allemagne ou en Belgique, pays aux niveaux de vie comparables, puisque nous avons avec ces deux seuls deux pays un déficit du commerce extérieur plus important qu’avec la Chine (Hong Kong inclus)

    Le MEDEF, relayé un temps par l’INSEE, avait bien tenté d’imposer à l’automne 2010, une vision de coût salarial structurellement plus élevés en France qu’en Allemagne. Mais dès le printemps 2011 l’ INSEE était obligé de faire machine arrière.

    D’ailleurs une note de la Commission des comptes de la Sécurité Sociale en juin 2010 a montré qu’en cout annuel complet pour un salarié à temps plein en Allemagne et en France, le cout global restait supérieur en Allemagne, même si l’écart s’était réduit entre 2000 et 2008. ( la réduction de cet écart est d’ailleurs à mettre en relation avec les orientations impulsées par Schroeder il y a quelques années, dans un pays sans SMIC et qui a généralisé en direction des chômeurs les petits boulots très mal payés, d’ou l’extension récente d’une grande et nouvelle pauvreté en Allemagne )

    EXTRAITS : « Néanmoins,en rapportant le coût annuel du travail précédemment estimé pour les seuls travailleurs à temps plein au nombre d’heures effectivement travaillées, le coût horaire du travail au niveau du salaire moyen demeure supérieur enAllemagne, même si l’écart entre les deux économies s’est réduit sur la période 2000-2008 : le coût horaire français, qui représentait 87% de celui constaté en Allemagne en 2000, est passé à 96% en 2008. »

    Les évolutions depuis n’ont pas creusé d’écart et tous les analystes, à part ceux de l’institut patronal Rexecode confortent l’ idée d’un coût voisin entre les deux pays. De même , dans les statistiques d’Eurostat, le coût salarial complet en France est voisin ou inférieur de ceux de la Belgique ou de l’Allemagne. Et, pour la seule industrie manufacturière, même le quotidien Les Echos du 12/01/2012 reconnait un niveau voisin de coûtdu travail global de 35,4 euros en France pour 35,1 en Allemagne. Impossible donc d’expliquer par le coût du travail que l’Allemagne connaisse un excédent de son commerce extérieur de 146 milliards d’euros sur les 11 premiers mois de 2011, pendant que la France connait un déficit de 65 milliards.

    Lécart de compétitivité et le déficit du commerce extérieur ne viennent donc pas de là.

    A contrario, on peut d’ailleurs montrer que dans un pays où les charges sociales sont bien moindres comme la GrandeBretagne ,cela n’a nullement empêché ce pays de devenir un désert industriel et de connaitre un déficit du commerce extérieur voisin de 100 milliards d’euros en 2011 !

    La compétitivité par rapport à quoi ?

    Le terme « compétitivité » est connoté, très lié à l’idéologie de la concurrence et il conviendrait de plutôt rechercher une analyse de l’efficacité, économique, sociale et écologique d’un appareil productif.

    Nonobstant cette remarque, même les analyses de la compétitivité considèrent que le prix n’en est qu’un élément et que de multiples facteurs hors prix interviennent.

    De ce point de vue la qualité du travail en France, n’est pas plus en cause que son coût, puisqu’en « productivité horaire » toutes les comparaisons internationales s’accordent à placer en tête de classement la France parmi les grands pays industrialisés.

    C’est donc que d’autres éléments interviennent : l’effort d’investissement, la recherche et l’innovation, l’organisation industrielle et les rapports entre grands groupes et sous-traitants, les spécialisations industrielles, l’importance des prélèvements du capital en dividendes taux d’intérêt, etc...

    Sans être exhaustif, on peut constater que l’Allemagne a une spécialisation industrielle et un tissus de PME-PIM sur des produits à forte Valeur Ajoutée alors que la France a connu un affaiblissement continu de son appareil industriel, et qu’hormis quelques créneaux, celui ci se retrouve en difficulté d’innovation et sur des produits à trop moyenne Valeur Ajoutée.

    En janvier 2011 léconomiste du CNRS Philippe Askenazy au Journal 20 minutes répondait déjà à laquestion :

    Est-cepertinent de lier le débat sur la compétitivité en France au coût du travail?

    « La question est malposée. Une économie avec uncoût du travail élevé mais des entreprises innovantessera toujours plus compétitive que linverse. 

    LAllemagne s ensort mieux car ,contrairement à la France, elle a beaucoup investi dans l innovation et s est spécialisée sur des secteurs en croissance.

     Pour combler ce différentiel, la France a donc deux solutions. Elle peut soit continue à se développer dans des secteurs peu productifs et baisser son coût du travail, soit rendre ses entreprises plus innovantes et donc plus productives.Cest un choixpolitique. »

    Ceci montre dailleurs que la préférence sarkozyste pour la baisse du coût du travail ne corrigera pas le déficit  avec l Allemagnequi est 

    une question principalement de compétitivité hors prix et porte sur des produits souvent nous avons perdu des capacités de production, et cette baisse des charges sera également sans effet vis à vis des pays à bas niveaux de salaires. !

    « La baisse des charges » :on connait déjà !

    Lors de la création de la CSG en 1990, il y a eu baisse des cotisations « part dite patronale » dont le taux est passéde 7% à 5,4% pour la branche famille. Ce mouvement se poursuivra à plusieurs reprises. Si bien que ces cotisations de la « part dite patronale »ont été ramenées 43% desressources de la protection sociale à moins de 37% aujourd’hui.

    De même avec des exonérations de charges ( coût de l’ordre de 25 milliards d’euros pour le budget de l’Etat ) , et pour un salarié payé au SMIC, il n’y a que 2% de cotisations maladie-vieillesse contre 28% pour un salaire sans exonérations.

    L’emploi va t-il mieux ? Le recul industriel a t il été enrayé ? le commerce extérieur redressé ? A l’évidence non !

    Et une « TVA sociale » se substituant à des cotisations sociales ( outre le problème structurel posé sur la nature du financement de la protection sociale ) s’apparente à un très gros cadeau de trésorerie aux entreprises, de l’ordre de 30 milliards d’euros, sans effet réel sur l’emploi, l’activité et lecommerce extérieur.

    Dabord parce que comme d’habitude , au non de la souplesse, le patronat ne veut prendre aucun engagement sérieux sur l’utilisation de cette manne.

    Ensuite parce que pour l’exportation hors zone euro, le taux de change de l’euro ( qui porte sur la totalité du prix du produit ) à une influence bien plus grande qu’une variation de 2 ou 3 % sur le coût du travail,qui ne représente en moyenne que 20% du coût complet d’un produit manufacturé exporté.

    Pour les importations, ce ne sont pas lentrée des produits qui sera taxé par cette TVA, mais leur vente au consommateur final, comme augmenteront aussi le prix de tous les produits consommés.

    C’est si vrai que pour l’activité , la croissance, une étude de la DGTPE ( direction générale du trésor et de la politique économique) de mars 2010 évaluait l’apport de la baisse des charges et de l’instauration de la TVA sociale à « 0,1% d’ augmentation du PIB à moyen terme »( ! ) et encore l’étude précisait qu’elle ne pouvait pas prendre en compte « ni le contexte conjoncturel, ni la réaction des entreprises étrangères »( !! ).Or ce contexte conjoncturel va être particulièrement mauvais, du fait du climat de recession.

    Dans ces conditions la TVA sociale ne sera qu’une déflation salariale déguisée, elle amputera également plein pot le pouvoir d’achat des retraités, chômeurs, précaires, étudiants, fonctionnaires, .....

    Et si on s’interrogeait sur le coût du capital !

    Déjà dans les années Giscard, le théorème de Schmidt , du nom du chancelier allemand de l’époque, n’était pas vérifié« les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après demain ».

    Une étude récente de l’OIT souligne que dans les pays développés les profits ont augmentés de 83% entre 2000 et 2009, mais les investissements ont stagné, et les dividendes distribués ont pris une part de plus en plus importante dans l’utilisation des profits bruts ( de 29% des profits en 2000 à 36% en 2009 ). De même les investissements financiers ont pris le pas sur les investissements productifs.

    En France , il en va de même. ainsi pour 86 milliards d’euros de profits en 2010, les entreprises du CAC40 ont distribués 40,2 milliards d’euros de dividendes. Et en 2011, le volume des rachats de leurs actions en Bourse par les entreprises elle-même, a doublé ! ( ce qui relève le montant du dividende par action des actions restantes ). Les rendements des fonds propres des sociétés du CAC40 ont augmentés de 55% depuis 15ans. ( les dividendes représentaient 4% de la masse salariale au début des années 80, ils en représentent 12% maintenant !)

    Alors que la part de la masse salariale dans l’utilisation de la valeur ajoutée est la même qu’il y a 50 ans, et qu’elle a même reculée en moyenne de l’ordre de 6% à 10 % depuis son point le plus haut du début des années 1980, celle des profits distribués augmente.Et les entreprises privilégient des placements de trésorerie ( plus de 120 milliards d’euros pour les entreprises du CAC40)

    Leffort de formation initiale et professionnelle par rapport au PIB,à l’inverse, régresse depuis 15 ans. Les dépenses de recherche développement des entreprises en France sont 20% inférieures à celles de l’Allemagne. Les grands groupes ont eu en France un comportement différent qu’en Allemagne, privilégiant les délocalisations, le mythe de l’entreprise sans usine, et négligeant les PME.

    Grands groupes et ingénerie financière ont fait leur miel du Crédit Impôt Recherche.Tout comme on pourrait interroger l’utilisation par les entreprises des nombreuses exonérations et diminutions de l’impôt sur les sociétés dont elles ont bénéficié depuis des décennies.

    On peut ajouter : les prélèvements des banques, les rapports inégaux grands groupes/sous traitants,

    Bref, ce n’est pas le coût du travail qui est en cause dans l’affaiblissement économique relatif de la France mais une croissance financière plus forte , notamment qu’ en Allemagne, et des coûts du capital Et les gâchis du capital coutent cher soit en prélèvements publics ( exonération de charges, crédit d’impôts, la fraude légale qui fait que les entreprises du CAC 40 ne paient que 8% d’IS et non 33% ,.....) soit en dépenses induites par ces gâchis ( coût du sous emplois, etc.... )

    Changer de cap : baisser les coûts du capital et développer le travail !

    Pour développer l’emploi et l’efficacité économique, « copier l’Allemagne » n’est pas une solution. D’une part parce patronat et gouvernement allemand déploient une même pression contre les dépenses pour le travail, et que le mode de développement choisi ( la domination par les exportations ) est d’une part non généralisable, et repose sur l’exploitation de différentiel de salaires à l’est de l’Europe, et donc un développement inégal, économiquement, socialement, et écologiquement.

    Les gâchis du capital

    Les taux de retour sur investissement (environ10% à 15%) demandés par les fonds d’investissement et autres LBO sont meurtriers pour les investissements productifs. Les prélèvements en dividendes et frais financiers plombent les PME-PMI, au détriment des banques et des trésoreries des grands groupes. Les fonds publics sont atteints par les deux bouts : moins de recettes par les cadeaux fiscaux au capital (ceux aux personnes physiques que l’on met le plus souvent en exergue ne sont que la partie émergée de l’iceberg, l’essentiel c’est la fiscalité sur les personnes morales) et plus de dépenses, soit en béquille du capital ( le crédit Impôt recherche ) soit en réparation des dégâts ( délocalisation ,etc..). Sans compter les 50 milliards d’euros du service de la dette qui pour une part correspondent à une rente abusive d’une dette illégitime.

    Le capital coûte trop cher ! Alors qu’il n’est pas le coeur de la création de richesse !

    Le « cancer » de la société française c’est pas l’assistanat, c’est la prédation financière !

    Baisser le coût du capital, c’est lié notamment à un nouveau financement monétaire ( rôle BCE, prêt direct aux Etats sur le marché primaire des titres financiers, ..), Pôle public du crédit d’une taille significative pour orienter une politique globale du crédit, ( les encours de crédit, c’est influencer une masse de l’ordre de 2000 milliards d’euros, cest bien plus que la masse financière que pourra représenter une réforme fiscale, qui si elle influence de 100 à 200 milliards d’euros sera à son apogée), avec sélectivité et différentiation des taux d’intérêt selon l’utilité sociale économique et écologique des projets à financer. (d’où l’utilité de Fonds aussi bien européen que régionaux ).

    Baisser le coût du capital, c’est la modulation de la « part dite patronale » des cotisations sociales selon les contenus en emplois , en production et en qualification des stratégies d’entreprises.

    Baisser le coût du capital, c’est la réforme fiscale ( IRPP et IS ) et les choix visant à dégonfler la sphère financière ( pénalisation des banques ayant des filiales dans les paradis fiscaux, interdiction des opérations sur des produits dérivés non liés à la réalité d’opérations sur des biens réels , ...)

    Baisser le coût du capital c’est la révision des rapports de concurrence et de domination dans l’économie ( gâchis et coût tarifaire de la séparation EDF GDF par exemple, rapports avec les fournisseurs et sous traitants, ...) au profit de coopération avec contenu d’emplois de qualification et de production , et dans une relocalisation écologique des activités ( circuit court , bilan carbone, etc ...

    Cest cette baisse, comme de nouvelles orientations publiques et des droits nouveaux des salariés et des population, qui peuvent générer une autre utilisation des richesses, privilégiant « l’humain d’abord », et donc dans la production l’ emploiet la qualification ainsi que leur reconnaissance salariale. Le salaire, ce n’est pas seulement pour la justice sociale, ou la relance par la consommation, c’est aussi privilégier le travail qualifié comme vecteur de réorientation économique et écologique.( outre les effets de l’augmentation du SMIC, de la hausse des salaires pour le financement de la protection sociale, etc .... )

     

    Par JP Duparc


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